L’Espagne vote dimanche, mais personne ne gagnera vraiment

Dimanche 26 juin, l’Espagne organise des élections législatives. Elles interviennent six mois après les précédentes, qui ont échoué à doter le pays d’un gouvernement. Mais face à la recomposition du paysage politique, elles devraient échouer aussi.

De quoi parle-t-on ?

Dimanche, l’Espagne vote à nouveau lors d’élections législatives. Lors des précédentes élections, aucun parti ne l’a emporté avec suffisamment d’avance pour gouverner. Et les négociations pour des coalitions n’ont pas abouti. Le roi Felipe VI n’a eu d’autre choix que de convoquer de nouvelles élections.

Quels étaient les scores lors des précédentes législatives ?

Aux élections de décembre, deux jeunes partis politiques, Podemos (gauche) et Ciudadanos (centre droit) ont mis à mal le bipartisme. Podemos a emporté 20,7 % des suffrages, et Ciudadanos 13,9 %. Le PP et le PSOE ont, à eux deux, à peine rassemblé 50% des suffrages.  Depuis la fin du régime de Franco, ils avaient systématiquement alterné au pouvoir. “Nous sommes arrivés à une situation où le bipartisme ne permet plus de comprendre la vie politique en Espagne” revendiquait déjà le chef de file de Podemos en 2013, Pablo Iglesias.

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Comment se sont passées les négociations lors des précédentes élections ?

  • Les élections générales ne donnent lieu à aucune majorité. Pour qu’un gouvernement soit investi, il faut qu’une coalition se forme.

  • Mariano Rajoy, président sortant et actuel chef de file du Parti Populaire, annonce qu’il renonce à briguer l’investiture d’un gouvernement auprès du Parlement, faute de soutiens.

    Suite à cette annonce, Pablo Iglesias présente l’offre suivante au parti socialiste : un gouvernement avec une représentation proportionnelle aux résultats obtenus lors des elections, et la vice-presidence pour Pablo Iglesias.

  • Le roi propose à Pedro Sanchez, le leader du parti socialiste, de tenter de former un gouvernement. L’échéance est fixée au 2 mai.

    Sanchez se dit prêt à dialoguer avec toutes les formations, de gauche et de droite, en vue de former un gouvernement progressiste.

  • Podemos propose un document d’une centaine de pages intitulé “Bases politiques pour un gouvernement stable” . Ce document est jugé comme irrecevable par le PSOE.

  • Pedro Sanchez (PSOE) signe un accord avec Albert Rivera (Ciudadanos) en vue de former un gouvernement de coalition. Une telle coalition possèderait 130 sièges, soit 45 de moins que la majorité absolue. Podemos déclare qu’il ne soutiendra pas une telle coalition.

  • La coalition de Pedro Sanchez et d’Albert Rivera échoue à obtenir une majorité auprès de la chambre basse du parlement espagnol. Sanchez obtient 131 voix en sa faveur, et 219 voix contre.

  • Un deuxième vote est organisé. Les résultats sont identiques au premier. C’est la première fois depuis la mort de Franco que le candidat désigné par le roi n’est pas investi.

  • Podemos organise une consultation en interne quant au pacte entre PSOE et Ciudadanos.

  • Sanchez se déclare ouvert à un gouvernement avec des représentants de Podemos et de Ciudadanos.

  • Rencontre entre Iglesias et Sanchez pour négocier une coalition.

    Ciudadanos annonce que leurs députés s’opposeront à une coalition avec Podemos. Podemos est partisan d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Au contraire de Ciudadanos pour qui l’unité de l’Espagne est fondamentale.

  • Pedro Sanchez échoue à obtenir suffisamment de votes pour investir son gouvernement.

  • Le roi Felipe VI signe un décret ordonnant la dissolution du Parlement et la tenue de nouvelles élections générales le 26 juin.

Que veulent les partis qui se présentent ?

Les deux nouveaux partis, Podemos et Ciudadanos, sont très différents. Podemos découle du mouvement des Indignés. Populiste, il base son succès sur la lutte contre l’austérité et prône le renouvellement politique. Ancré à gauche, il est mené par des figures emblématiques, qui doivent leur célébrité à leur rôle dans le mouvement des Indignés. Depuis les élections municipales de mai 2015, Podemos -dans le cadre de coalitions-, dirige Barcelone et Madrid, les deux principales villes du pays. Malgré son arrivée au pouvoir, Podemos a progressé dans l’opinion, aux dépens du PSOE, le parti socialiste. Le néo-parti confirme sa capacité à gouverner, malgré les vives critiques du PP. Il est mené par Pablo Iglesias, 37 ans, diplômé en sciences politiques, ancien membre des jeunesses communistes.

Ciudadanos est un parti centriste. Ses deux idées fortes : la sauvegarde de l’unité de l’Espagne et la lutte contre la corruption. Le parti est né en 2006 en Catalogne contre le souverainisme. Plus jeune, le leader de Ciudadanos, Albert Rivera, a participé aux partis de jeunes du PP. Il a profité des scandales de corruption et des tensions de plus en plus vives avec Barcelone pour peser sur la scène nationale.

Pourquoi il sera difficile de former une nouvelle coalition ?

https://www.youtube.com/watch?v=lVynx6SJ7N4

Comment va se passer l’élection de dimanche ?

La seule différence entre l’élection de décembre et celle de dimanche est la coalition Unidos Podemos, composée de Podemos et de Izquierda Unida, un parti de gauche anti-austérité. Grâce à cette alliance, Unidos Podemos gagne du terrain: la coalition devrait être deuxième avec 25,6% des voix, derrière le Parti Populaire mais devant le Parti socialiste.

Une coalition de gauche n’aurait toujours pas de majorité, mais pourrait être investie si les partis régionaux s’abstenaient de voter. Mais une coalition PSOE/Podemos est encore plus improbable qu’en décembre. Podemos est le parti rival du PSOE à gauche. Il base son succès sur le rejet des anciennes élites, PSOE et PP en tête. En somme, l’élection de dimanche va confirmer la crise politique de l’Espagne.

 

Sébastien Bossi Croci