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Comment les statistiques changent les élections

 

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Le dopage électoral existe-t-il ? Barack Obama ne l’appelle pas ainsi, mais il a été le premier politique à mettre en place une stratégie électorale basée sur la statistique. En 2008, le maire de Chicago a mis à profit la sociologie du vote et de la prise de décision pour sa campagne présidentielle. Il a inspiré les politiques. Les nôtres particulièrement. La gauche s’y est mise en premier, dès 2009, par l’entremise de quelques initiées bien introduits au sein du Parti socialiste, qui ont suivi la campagne de 2008 aux États-Unis. La droite a suivi. Tous les candidats à la primaire de novembre 2016 de Les Républicains utilisent le même logiciel, concurrent de celui de Barack Obama.

A quelques mois de la présidentielle, à droite et à gauche, l’enjeu des bases de données d’électeurs est devenu décisif. Les gourous de la statistique électorale sont peu nombreux. Ils promettent de bouleverser la politique. Les partis s’arrachent leurs services. Tous les candidats cherchent la formule mathématique magique, à même d’emporter l’élection. Comme si les idées et le programme ne suffisaient plus pour être élu.

Chapitre 1

Obama, le premier geek président

À quelques centaines de mètres de la Maison Blanche, dans un bâtiment en briques, Barack Obama a rassemblé plusieurs dizaines des plus brillants ingénieurs américains. La plupart ont directement été débauchés à Google, Amazon, Facebook, Twitter et Apple. Parmi eux, Eric Maland, le treizième ingénieur engagé par Amazon et premier chef des opérations à Twitter, et Matthew Weaver, de Google. Chez le géant de Moutain View, il avait pour mission de garantir que jamais le moteur de recherche ne se retrouverait hors ligne. Joignable à toute heure, de jour comme de nuit, Matthew a même passé un an sans rentrer chez lui : il logeait sur le parking du siège de Google.

Pourtant, comme leurs collègues, Matthew et Eric ont abandonné leur poste très bien payé dans un des géants de la Silicon Valley pour rejoindre l’USDS, l’United States Digital Service. Une startup gouvernementale, placée sous l’autorité directe du président Obama, avec pour mission de réparer et d’optimiser les systèmes informatiques de la première puissance du monde. Obama en personne les a convaincus de participer à l’aventure. Depuis 2007 et sa campagne victorieuse aux primaires démocrates, l’ex-sénateur de l’Illinois est persuadé que la technologie peut révolutionner la politique à tous les niveaux : de la façon de parvenir au pouvoir à la manière dont il est exercé.

Obama a optimisé tous les aspects de sa campagne

Dès 2008, lui et son équipe de campagne se sont entourés de statisticiens et d’experts des technologies. Tout – les publicités à la télévision, les appels passés par les volontaires, l’impact des meetings politiques, des thèmes de campagne – a été chiffré, analysé, optimisé, jusqu’à la présentation du site du candidat. En marketing, cela s’appelle de l’A/B Testing. Dan Siroker, l’analyste de données en chef lors des primaires démocrates en 2007, puis lors de la course à la Maison blanche en 2008, a supervisé l’expérimentation.

En testant différentes présentations du site d’Obama, de la photo aux mots sur les boutons, il estime avoir amélioré les performances du site de 40 %, ce qui a boosté le nombre d’inscrits à la newsletter de 2,8 millions d’adresses mails. Sur ces gens-là, environ 280 000 ont été convertis en bénévoles, disponibles pour faire campagne sur le terrain. Dernier gain : l’argent. Chaque abonné à la newsletter rapporte environ 20 dollars à la campagne. Au total, l’A/B testing a ramené quelques 60 millions de dollars de dons supplémentaires. Cela représente 10 % des dépenses totales du candidat. Aux États-Unis, le candidat le plus riche est souvent le vainqueur.

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L’A/B testing d’Obama

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Le haut du site du candidat était composé de deux parties : une photo de grande taille et, juste en-dessous, une barre composée d’un champ pour entrer une adresse mail et un bouton pour confirmer l’inscription à la newsletter.

5140902631_cda79551d3_oLors des phases de tests, le site présentait six médias différents en alternance (trois vidéos et trois photos) et quatre boutons différents.

Cela représentait 24 combinaisons possibles. La combinaison gagnante -une photo d’Obama en famille- garantissait un taux d’inscription à la newsletter 40 % supérieur à la deuxième combinaison la plus performante. Rapporté à l’échelle de la campagne, cela représente un gain de 2,8 millions d’inscriptions. L’équipe d’Obama a aussi remarqué que 10 % des inscrits à la newsletter s’engageaient dans la campagne au-delà d’une simple inscription. Par cette seule manipulation, Obama a bénéficié de 280 000 bénévoles supplémentaires.

Cela représentait 24 combinaisons possibles. La combinaison gagnante -une photo d’Obama en famille- garantissait un taux d’inscription à la newsletter 40 % supérieur à la deuxième combinaison la plus performante. Rapporté à l’échelle de la campagne, cela représente un gain de 2,8 millions d’inscriptions. L’équipe d’Obama a aussi remarqué que 10 % des inscrits à la newsletter s’engageaient dans la campagne au-delà d’une simple inscription. Par cette seule manipulation, Obama a bénéficié de 280 000 bénévoles supplémentaires.

Les optimisations guidées par des données sont allés bien plus loin que le design du site web. L’équipe d’analystes, soutenue par des sociologues du comportement et des spécialistes du vote américain, a réalisé une cartographie très précise de l’électorat du pays. Ils ont réussi à constituer une base de données extrêmement riche, la plus complète jamais réunie, sur les électeurs américains. Au-delà de la liste des noms, des adresses postales et mail des personnes référencées, ils ont affilié deux notes, de 1 à 100, à chaque personne inscrite dans la base.

Elles représentent deux variables-clefs : la probabilité que la personne aille voter, et la probabilité que cette personne vote Obama. L’enjeu de la participation est décisif aux Etats-Unis. Le taux d’abstention y est bien supérieur à celui de la France – 43, 5 % aux USA contre 16,5 % en France. Pour obtenir ces notes, les statisticiens d’Obama ont compulsé les affiliations politiques des gens, leur catégorie sociale, leur couleur de peau. Plusieurs dizaines de critères ont été isolés. Tous ont été rationalisés grâce à de puissants algorithmes développés par la campagne.

Ces données étaient enrichies en temps réel par des sondages et des actions sur le terrain. Les centaines de volontaires qui travaillaient pour la campagne ont conduit un nombre record de sondages téléphoniques. Dans chaque État clé, 5 à 10 000 courts appels téléphoniques et 1 000 plus longs ont été passés chaque semaine par des volontaires. Plus la campagne disposait de volontaires, plus elle pouvait passer d’appels.

L’enjeu n’est pas de voter pour quelqu’un, mais de voter tout court

Aux États-Unis, les citoyens s’inscrivent sur les listes électorales en précisant leur affiliation politique : démocrate ou républicain. En début de campagne, les candidats savent combien de personnes semblent disposées à voter pour eux. Tout l’enjeu, par la suite, est d’amener les gens à vraiment voter. Une campagne se joue dans la capacité à mobiliser les abstentionnistes, si possible les plus à même de voter pour tel ou tel candidat. Dans les années 1990, de nombreux sociologues du vote ont montré qu’il était plus efficace de convaincre les gens d’aller voter que de les convaincre de voter pour un candidat en particulier. Les campagnes ne disent pas « Votez pour nous », mais « Votez ». Et le ciblage fait le reste.

Grâce à sa cartographie des électeurs, l’équipe d’Obama a identifié très précisément les abstentionnistes susceptibles de voter pour son chef. Puis les volontaires ont concentré leurs efforts sur ce bassin de population. Ils savaient mieux que l’équipe de John McCain, le candidat républicain à la présidentielle de 2008 — chargé de prendre la suite de George W. Bush — à quelle porte frapper ou quel électeur appeler.

D’après les estimations les plus pessimistes, en menant une campagne optimisée par les données, Obama a récupéré le nombre de voix qui aurait permis à Al Gore de l’emporter face à George W. Bush en 2000. Cette défaite, à quelques milliers de voix près en Floride, est à l’origine de l’obsession pour les données de certains conseillers des démocrates, dont Jim Messina, qui a dirigé les deux campagnes d’Obama.

En 2012, Obama est allé encore plus loin. Il le fallait : sa position par rapport à 2008 avait changé. Il n’était plus la figure du « Yes, we can », le candidat qui promettait un avant et un après son élection. C’était un président au pouvoir, dans une Amérique qui avait traversé la pire crise économique de son histoire, et la reprise tardait.

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Jim Messina en avait parfaitement conscience. « Tu sais, on ne peut pas refaire le coup de 2008 », a-t-il dit à Obama lors des premières discussions sur la campagne de 2012. Sauf que si. L’équation, en vérité, était très simple : pour l’emporter en 2012, il suffisait de convaincre les électeurs d’Obama en 2008 de le réélire.

Après la victoire de 2008, l’équipe de campagne avait continué à travailler. Les appels passés, les actions de porte-à-porte, l’efficacité des publicités, les appels aux dons : tout a été évalué. Peu de choses ont échappé à l’analyse. Tout ça a été poussé à un point tel que, début 2012, Obama avait à sa disposition l’identité de la presque totalité des 69 456 897 Américains qui avaient voté pour lui en 2008. Et la mission de Dan Wagner, chargé du ciblage électoral pour le parti démocrate, était de garantir que chacun de ces presque 70 millions d’électeurs retournent aux urnes.

La cible d’Obama en 2012 : les indécis

Des pertes étaient inévitables. Dans ce cas, et considérant la faible avance dont bénéficiait le démocrate dans les sondages, il était indispensable de recruter de nouveaux électeurs. Pour cela, Wagner avait une solution. L’ancien étudiant de l’université de sciences politiques de Chicago, l’une des plus prestigieuses du monde en matière de sociologie électorale, mène depuis 2010 des études pour le compte du parti d’Obama. Il a prédit avec exactitude les défaites des démocrates aux élections de mi-mandat en 2010. Amener des abstentionnistes à voter, et espérer qu’ils votent pour le candidat démocrate ne suffisait pas à garantir une victoire. Wagner avait une autre cible : les indécis.

Mais identifier un indécis et tenter de le persuader de voter pour Obama était hasardeux. Grâce à son maillage électoral, l’équipe d’analystes de données a ajouté une troisième donnée à l’équation — en plus des chances d’abstention et de voter pour Obama — : le score de persuasion.

Plutôt que de cibler n’importe quel indécis, la campagne a réduit le pool à ceux qui avaient entre 40 et 60 % de chances d’être persuadés de voter pour Obama — soit tout de même 15 millions de personnes. Ils ont considéré que ceux qui affichaient des scores supérieurs à 60 % voteraient probablement pour Obama, et n’avaient pas besoin d’être ciblés. Pour le ciblage, le hasard n’a pas eu sa place. Ils ont analysé les coups de fil passés par les volontaires et ont réalisé qu’un appel émis par un Californien était plus efficace qu’aucun autre. La différence tenait à l’accent, plus chaleureux. Les habitants de la côte ouest du pays ont donc passé tous les appels « décisifs ».

Orca contre Narwhal, l’autre duel de 2012

Pour mener de telles expérimentations, l’équipe d’Obama a mis au point des outils informatiques de très haut niveau. Des leaders de la Silicon Valley, notamment Eric Schmidt, PDG de Google à l’époque et donateur important pour le parti démocrate, l’ont aidé. Avec des développeurs de Facebook, l’équipe de campagne a créé un outil qui permettait à n’importe quel soutien d’Obama de savoir quels étaient ses amis Facebook les plus à même d’être ralliés au camp d’Obama.

Romney ne pouvait pas lutter. Son équipe dédiée comptait dix fois moins de personnes. Elle manquait d’expérience et de données. Quand Obama investissait dans des publicités à la télé sur des chaînes locales obscures, Romney ne saisissait pas pourquoi. McGoldrick, un des responsables de l’équipe de data-analystes de Romney, résume : « On savait qu’ils avaient une bonne raison de faire ce qu’ils faisaient. On n’arrivait juste pas à le comprendre ». Le jour de l’élection, Orca, le logiciel de Romney a bugué. Personne n’a réussi à le relancer. Son pendant démocrate, Narwhal (l’orque est le seul animal capable de tuer des narvals) est passé proche de connaître le même destin. Là encore, l’expérience de 2008 a servi. Lors de la première campagne Obama, Houdini — inspiré par le nom du célèbre magicien —, l’un des logiciels de ciblage, avait crashé. Sa version de 2012, Gordon — du nom de l’assassin d’Houdini — a résisté. Rich Beeson, le responsable de la stratégie politique de Romney, le concède : « la campagne d’Obama jouait dans une toute autre catégorie, au moins un cran au-dessus ».

Clinton prend les mêmes, des femmes, et recommence

Aujourd’hui, Donald Trump accuse du retard aussi sur Hillary Clinton. Il se refuse à travailler avec des spécialistes de la Silicon Valley et entend mener une campagne « à l’instinct ». Dans les faits, le parti républicain effectue un travail très précis afin de convaincre les électeurs des États clés.

En 2012, pas plus qu’en 2008, l’équipe n’a arrêté de travailler une fois la victoire certaine : organisé au sein du parti démocrate, les responsables de la data ont tout analysé et optimisé. Hillary Clinton, candidate démocrate à l’élection présidentielle de 2016, bénéficie des enseignements tirés pour sa campagne présidentielle. Les bases de données construites en 2008, enrichies en 2012 et utilisées tout au long du mandat par la Maison-Blanche, ont été récupérées par l’ex Première dame.

Comme Obama, Clinton a réuni une équipe de talents. Stephanie Hannon a quitté Google pour diriger la stratégie numérique. Elle est la première femme à occuper ce poste. À Google, elle gérait Maps et Google Wave, un outil de communautés en ligne novateur, mais boudé par le grand public. Depuis son recrutement en 2015, l’ancienne Googler a débauché une cinquantaine d’ingénieurs de haut niveau de Twitter, Facebook, Amazon et Google. Teddy Goff, qui avait participé aux deux campagnes d’Obama, en est aussi. Il résume : « Une équipe de geeks et la technologie ne permettent pas de gagner une élection. Pour cela, il faut des volontaires, de l’argent, cibler correctement. Avec la technologie, tout cela, on le fait mieux ».

Chapitre 2

De « la netscouade » à Cinquante +1, comment le PS s’est mis à la data

lettrine_marseille, 21 octobre 2013. Le jour de gloire de Patrick Menucci. Il vient de remporter la primaire socialiste. Le voilà assuré d’être le candidat de la gauche aux municipales de mars 2014. Face à lui, un défi qui s’avérera insurmontable : faire tomber Jean-Claude Gaudin, au pouvoir depuis 1995. Mais d’abord, Patrick Menucci, 100 kilos, un accent marseillais à faire pâlir les clichés, savoure. Il a battu Samia Ghali, la maire des quartiers Nord. Le grand public l’a découverte quand elle a demandé l’intervention de l’armée dans les ses quartiers pour calmer la guerre des gangs.

Dans l’entre-deux tours, la maire des XVe et XVIe arrondissements a accusé Menucci d’être le candidat de Matignon, contrairement à elle, la candidate « proche du peuple ». À raison, probablement : Menucci est proche de Valls, il a mené la campagne de Vincent Peillon aux élections européennes en 2008, il a soutenu DSK jusqu’à l’affaire Sofitel, et il a des yeux et des oreilles à Matignon. Deux directeurs de cabinet de Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre d’alors, sont restés proches de Menucci depuis 2006-2007, quand il était l’homme à tout faire de la candidate à la présidentielle, Ségolène Royal. L’ex-candidate, elle, a coupé les ponts avec le Marseillais. Elle a même pris parti pour Ghali dans les primaires.

De 2007, quand Royal est devenue la première femme qualifiée pour le second tour d’une présidentielle française, il n’est pas resté grand-chose, sinon la satisfaction d’avoir mené une campagne numérique de qualité, saluée à droite comme à gauche. Ce succès, Royal et Menucci le doivent à « la netscouade », une division chargée d’animer le site « Désir d’avenir ». Pour les primaires en 2013, Menucci est contacté par cette même équipe. Ils se proposent de gérer toute sa campagne et de mettre le numérique au cœur de la stratégie de terrain. En acceptant, Menucci a ouvert la voie à de nouvelles stratégies électorales, basées sur des bases de données d’électeurs potentiels. Aujourd’hui, tous les candidats à droite comme à gauche disent s’inspirer du socialiste marseillais.

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Depuis 2007, la petite équipe a bien changé. La netscouade est devenue la Netscouade, une agence de communication spécialisée dans le numérique parmi les plus en vogue de Paris. Ses clients sont prestigieux : Mediapart, des organismes publics, Arte. Son directeur fondateur, Benoit Thieulin, était membre du conseil d’administration de Terra Nova, le think tank du PS. Il a participé en 2009 à une mission d’études aux États-Unis pour analyser les outils mis en place pendant la campagne d’Obama. En 2013, il met ces enseignements au profit de la campagne de Menucci à Marseille.

A posteriori, Thieulin est fier d’une campagne moderne et connectée. Pour lui, « la gestion des bases de données de sympathisants est déterminante dans une campagne moderne ». Menucci s’en vante régulièrement : « Nous n’avons collé aucune affiche durant la campagne ». Aux affiches, le Marseillais a substitué Nation Builder, un logiciel américain dont il a été l’un des premiers utilisateurs en France. Matthieu Lerondeau, directeur associé à la Netscouade, explique par téléphone : « Nous avions découvert le logiciel au Personal Democracy Forum à New York. À l’époque, il y avait déjà Blue State Digital, NGP Van et Nation Builder. On a privilégié Nation Builder, car il était moins cher que les autres et complet par défaut ». Le logiciel permet de constituer une base de données d’électeurs potentiels et de la faire vivre. Dans les faits, et même si Menucci a gagné la primaire, sa campagne a été un échec.

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« On ne gagne pas une élection à Marseille avec des données, explique Thibaut Thomas, consultant en communication politique, on gagne en faisant descendre des minibus ». Samia Ghali l’a bien compris. Le jour du premier tour des primaires, elle a affrété des minibus et organisé des covoiturages pour acheminer les électeurs — les siens, du moins —, des cités du nord de Marseille vers les bureaux de vote. La manœuvre, largement dénoncée par ses concurrents, a été un succès : Ghali a terminé en première position au premier tour des primaires.

Menucci, contrairement à Samia Ghali, a bénéficié du ralliement des éliminés du premier tour. Cela lui permet de remporter la primaire et d’être le candidat du PS aux élections municipales. Comme l’histoire est écrite par les vainqueurs, Nation Builder et la campagne de Menucci ont inspiré d’autres élus, à gauche et à droite. L’outil se popularise, jusqu’à être utilisé par la totalité des candidats à la primaire de la droite pour la présidentielle de 2017.

Jean-Paul Huchon, ce précurseur

Dans le même temps, le cabinet spécialisé Liegey Muller Pons gagne aussi les faveurs de la gauche. En 2008, au moment de la première campagne Obama, le trio de fondateurs, Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons, fait ses études aux États-Unis. Liegey et Muller suivent les cours de Harvard sur la stratégie et le markéting électoral. Ils observent la campagne de porte-à-porte d’Obama — y participent, même — et décident de l’importer en France.

Liegey, Muller et Pons réalisent un premier essai en 2010, pour la campagne sur la présidence de la région Île-de-France menée par Jean-Paul Huchon. Ils y croisent Clémence Pène, qui sera amenée à prendre, en 2014, la direction de la campagne numérique d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris. En 2012, ils conçoivent pour le candidat Hollande une stratégie de porte-à-porte, en mêlant statistiques et sociologie électorale, sur le modèle de ce qui est réalisé aux États-Unis. Au total, cela leur permet d’atteindre 5 millions d’électeurs sur leur propre palier. C’est suffisant pour valider leur présence dans les cercles du parti.

En 2014, à Paris, pour la campagne des municipales, Anne Hidalgo, sous les conseils de Clémence Pène, a recours à Blue State Digital, la version commerciale du logiciel utilisé par Obama, et à Liegey Muller Pons. Le logiciel américain a servi pour la constitution et la gestion de la base de données. Le cabinet de conseils français a bâti une stratégie de porte-à-porte. La jeune responsable du numérique, 26 ans au moment de la campagne, connaît bien Blue State Digital pour y avoir été stagiaire pendant trois mois aux États-Unis.

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Chercheuse en sciences politiques, elle s’intéresse à la science électorale dès 2007 et la campagne citoyenne de Ségolène Royal, où elle croise l’équipe de la Netscouade, avec qui elle a encore aujourd’hui de bons rapports. En France, les données théoriquement à disposition des statisticiens sont moins riches. Les registres des bureaux de vote, les données de l’Insee et le cadastre sont utilisés. Cette limite force à être plus fin et inventif dans le ciblage.

Avec Hidalgo à Paris, Liegey Muller Pons ont pu tester leurs hypothèses et leurs méthodes de calcul sur un terrain local bien connu du PS. Le territoire est extrêmement polarisé — l’ouest est plutôt à droite, l’est à gauche. L’élection est similaire au modèle américain : les citoyens élisent des conseillers de Paris dans les arrondissements. Ceux-ci eux élisent ensuite le maire. Chaque arrondissement n’a pas le même nombre de conseillers : le 20e et le 12e en ont plus que les autres. « Le 20e est ancré à gauche, explique Clémence Pène. Le 12e s’annonçait plus indécis, on savait qu’il fallait le cibler. » Liegey Muller et Pons ont calculé des itinéraires et des zones à cibler pour garantir que le 12e soit remporté par la gauche.

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La victoire aux municipales de Paris et le travail identique mené avec 67 candidats dans d’autres villes finissent de rendre le trio indispensable aux yeux de la gauche. Cela leur permet de finaliser le développement de leur concurrent à Blue State Digital et à Nation Builder : Cinquante + 1. Aujourd’hui, le logiciel rationalise et optimise la marche des militants d’Emmanuel Macron : il prévoit les itinéraires suivis, identifie à quelles portes frapper, et compulse les données réunies.

L’utilisation de Cinquante +1 par Macron diffère dans ses fins de celle d’un candidat en campagne. « Macron construit En Marche hors du PS, décrypte Joël Gombin, politologue spécialiste en sociologie électorale. Il n’a accès à rien : ni aux militants, ni aux bases de données, ni à des relais locaux. Avec Cinquante + 1, il peut construire en très peu de temps un bon maillage local. » Vincent Pons, le co-créateur de la startup confirme : « M. Macron veut construire un projet qui émane de la base. Nous l’aidons à interroger les gens — nous avons conçu le questionnaire. Et nous ordonnons les données récoltées. » Il y a aussi une part de communication. « Cela fait bien de dire qu’on est avec Cinquante + 1, ajoute Joël Gombin. Ils se revendiquent des campagnes d’Obama, ils se positionnent sur un créneau très nouveau. »

Au parlement, certains élus imaginent déjà Emmanuel Macron partager avec François Hollande les informations recueillies dans le cadre de son mouvement. La droite le craint. Un élu LR s’inquiète : « Cinquante + 1 n’a pas encore éclairci sa position. On sait tous qu’ils bosseront pour le PS pendant la campagne. Ce n’est pas raisonnable de travailler avec eux. » Pons s’en défend : « Pour l’instant, nous travaillons pour M. Macron dans le cadre de son mouvement En Marche. À ce jour, il n’est pas candidat à la présidentielle. »

Chapitre 3

À droite, un logiciel pour tous, mais chacun pour soi

donald Trump et Eric Garcetti, le maire démocrate de Los Angeles. Jean-Luc Mélenchon et Alain Juppé. Le parti indépendantiste écossais et Les Républicains. La liste pourrait être déroulée encore longtemps. Ces politiques que tout semble opposer ont un point commun. Ils ont confié la gestion de leur base de données, et souvent celle de leur site internet, à Nation Builder, une société américaine fondée en 2009 par Jim Gilliam.

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En France, la totalité des candidats à la Primaire des Républicains, et le parti lui-même ont fait appel à Jim Gilliam. Kéliane Marténon, la responsable du digital de Bruno Le Maire, a aussi choisi le logiciel. 24 ans, diplômée de Science Po Lyon et du master d’Affaires Publiques de Sciences Po Paris; elle a eu pour enseignants Liegey et Muller. Pour elle, il n’y a pas eu d’accord global à l’échelle du parti. « C’est une simple coïncidence. Cela s’est su que Patrick Menucci l’avait utilisé à Marseille. On s’y est mis aussi. »

Le logiciel offre une solution clé en main. Il est possible d’importer d’anciennes bases de données, de gérer un site web, de mettre en place un système de dons, de noter les utilisateurs en base selon leur propension à soutenir vos idées… « Avant Nation Builder, on avait une base de données très artisanale, explique Kéliane Marténon. C’était un tableur Google. Les militants n’arrivaient pas toujours à s’y retrouver, et la gestion n’était pas idéale. On n’avait ni le temps ni les moyens de développer quelque chose de mieux. Nation Builder est très adapté à nos besoins. Il gère parfaitement les bases, permet de noter les électeurs, de les affilier à des volontaires, et chaque participant à la campagne peut l’utiliser. C’est très facile. »

Pour les Républicains, Nation Builder est essentiel dans l’optique des primaires des 20 et 27 novembre 2016. Chaque candidat avait besoin de parrainages d’adhérents pour se présenter. Mais aucun n’a pu bénéficier des bases de données du parti. « On ne va pas donner à tous les candidats à la candidature les bases du parti », explique Marténon. Nathalie Kosciuszko Morizet, qui a peiné à avoir les parrainages, s’en est plainte : « On nous demande de prouver le soutien des adhérents, mais on ne nous donne aucun moyen de les contacter ».

Des partis stockent les bases de données sur clé USB

Plusieurs candidats craignent que Nicolas Sarkozy n’ait utilisé sa position de président de parti pour piocher dans les bases des Républicains. « Dans les partis politiques, les bases de données sont très mal gérées, mais elles existentem>, révèle Thibaut Thomas. J’ai souvenir de partis nationaux en France où toutes les bases de données étaient sur une petite clé USB. » Marténon enchérit : « On reçoit tous des dizaines de mails de candidats sans s’être inscrits à leur liste auparavant. Cela prouve qu’ils ont accès à des données présumées hors d’atteinte pour eux.»

Grâce au logiciel, les campagnes peuvent identifier les militants les plus engagés, les relais les plus actifs. Pour cela, chaque individu qui interagit avec un élément de la campagne — meeting, page Facebook, Twitter, jusqu’au compte Instagram — est automatiquement entré à son insu dans le logiciel. À chaque interaction, la campagne associe un certain barème : liker un statut c’est dix points. Partager un lien, c’est 15. Ouvrir un mail envoyé par la campagne : 2 points. Et ainsi de suite. Les utilisateurs ayant le plus grand nombre de points sont les plus « fans », ceux à qui la campagne peut confier des tâches. « On repère, dit Marténon, ceux à qui on va demander de se rendre au bureau de vote le jour des primaires pour veiller au bon déroulement du vote. »

Pour constituer et élargir les bases de données, chacun a sa méthode. Bruno Le Maire a acheté des bases de données au début. Alain Juppé, considéré par certains observateurs comme disposant d’une base moins importante, a multiplié les pétitions tout l’été. Nicolas Sarkozy a adjoint à Nation Builder une application pour du porte-à-porte plus efficace.

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Tous ont leur expert attitré. Alain Juppé a recruté Ève Zuckerman. Des responsables de droite, elle est la plus médiatisée, grâce à un stage au sein de NationBuilder — depuis lequel elle est restée en contact avec Toni Cowan Brown, la responsable Europe de la société —, et à des études à l’université de Chicago. Bruno Le Maire a confié la gestion des bases de données à Kéliane Marténon, qui a eu pour enseignants Liegey et Muller. Nicolas Sarkozy s’appuie sur Axel Calandre, ex de Deezer.

Mais ni Zilberstein, ni Marténon, ni Calandre n’ont un profil de data-analyste. Cela serait pourtant nécessaire. « Le logiciel est riche, vante Jim Gilliam, mais il faut appliquer des formules mathématiques pour vraiment en tirer parti ». Un formateur à l’usage des données en politique confie : « Tout le monde peut se payer NationBuilder, mais il faut une stratégie data pour aller avec. » Un autre affirme : « l’outil est bête et méchant. La question, c’est de savoir si les gens qui l’utilisent sont intelligents. »

« Pour les jeunes, c’est facile. Pour les plus âgés, beaucoup moins. »

L’autre enjeu, c’est répercuter sur les militants les tendances issues des bases de données. C’est l’une des raisons pour lesquelles Le Maire s’est mis à NationBuilder. « Mais il ne faut pas se mentir : tous nos militants ne l’utilisent pas. Pour les jeunes, c’est naturel. Pour les plus âgés, beaucoup moins. » Utiliser de manière optimale le logiciel nécessite des moyens : humainement, il faut idéalement un volontaire pour dix personnes en base. Financièrement, il faut compter au moins 1 500 euros par candidat pour Nation Builder, et plus la base est large, plus c’est cher.

Avec plus de 500 000 références dans ses fichiers, Le Maire a plus de noms qu’il n’a de volontaires pour leur parler. Aucun parti en France n’a les ressources humaines et financières pour cela. Jim Gilliam, le PDG fondateur de la société confirme : « Jusqu’à présent, aucun des utilisateurs n’a pu utiliser le logiciel comme il l’ambitionnait. Tous manquent de ressources ».

Cette utilisation massive de Nation Builder par les Républicains pourrait offrir un avantage décisif à la droite en vue de la présidentielle de 2017. Avec le logiciel, il est très facile de fusionner des bases de données. Dans l’absolu, tous les candidats et le parti pourraient lier les informations réunies en une base unique, plus riche et précise. Obama a pu tirer pleinement parti des données parce qu’il disposait de la base la plus complète, et la mieux analysée par des spécialistes.

Chaque antenne locale du parti démocrate a participé à l’enrichir, pour doter le parti d’éléments utilisables à long terme. Kéliane Marténon s’y refuse déjà : « Je ne vois pas pourquoi nous le ferions, et j’imagine mal les autres candidats le faire ». À gauche, même traitement : « En 2012, explique Matthieu Lerondeau, la base mythique du million de signatures de la primaire effrayait la droite. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue. À l’époque où je me suis penché dessus, il y avait un éclatement important des bases entre le siège national, les fédérations locales… » Cet éclatement a attiré l’attention de la CNIl. Pour la première fois, l’organisation a rappelé le parti à l’ordre. « Personne, regrette Clémence Pène, n’est très à l’aise avec la fusion des bases. » À droite et à gauche, la révolution data s’arrête quand commencent les ambitions personnelles.

Chapitre 4

La data fait-elle les rois ?

lettrine-ariane Chemin a dénommé Patrick Buisson, conseiller privé de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012, le « mauvais génie », dans son livre du même nom. Sous prétexte d’avoir des chiffres plus précis, de mieux prévoir les comportements de l’électorat, Buisson a impulsé le virage à droite de l’ex-président de la République. Un mauvais génie charmant le politique comme lui-même séduit les électeurs : par des promesses impossibles à tenir. Un faiseur de rois, en somme. L’expression est régulièrement revenue dans la bouche des détracteurs de NationBuilder ou de Cinquante + 1.

Sauf qu’elles, les entreprises spécialisées dans la gestion de bases de données, promettent d’y parvenir. Le candidat a ses idées, son programme, son ambition. La promesse est claire : Cinquante + 1 se propose d’augmenter son score de 2 à 3 pôints sur une élection présidentielle. « Nous, sur une élection serrée, on peut faire la différence, explique Pons. Un candidat qui démarre à 15 % d’intentions de vote au premier tour, ce sera très difficile pour lui, même avec nous. »

En analysant tous les résultats des élections présidentielles depuis le passage au suffrage universel direct, quatre sur neuf élections se sont jouées à moins de 3 points de pourcentage d’écart. Appliqué au premier tour, le raisonnement est encore plus marquant : le duo de finalistes aurait pu changer à la quasi-totalité des élections. Et 60 % des élections se sont jouées à moins de 3 points d’écart. Jacques Chirac aurait perdu en 1995 face à Lionel Jospin, Valéry Giscard D’Estaing aurait perdu face à Mitterrand en 1974, mais aurait gagné en 1981.

En nombre de voix, 3 % représentent environ un million d’électeurs. Cinquante + 1 assure avoir touché plus d’un 1,5 millions de votants dans l’entre-deux tours en 2012 avec la campagne de François Hollande. Le véritable enjeu est de maximiser la qualité des rapports avec ces électeurs : cibler la bonne personne, celle dont le vote est le plus susceptible de basculer.

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En France, l’électorat stable, soit les électeurs dont le vote est décidé depuis longtemps et donc peu à même d’évoluer, représente environ 40 % des électeurs, d’après Myriam Maumy Bertrand, une statisticienne enseignante à l’université de Strasbourg. Ce nombre doit être envisagé avec mesure, tant il peut être sujet à évolution : « L’abstention, l’actualité, tout ceci peut influencer le vote ».

Le CEVIPOF, le centre d’études sur la vie politique française, référence en matières de questions électorales, l’a estimé à 54 % des Français en 2007. Joël Gombin, sociologue du vote, tempère : « C’est très difficile à dire. Cela dépend si on s’intéresse au candidat, ou plus globalement au clivage gauche/droite ».

Cinquante + 1 s’adapte, explique Vincent Pons : « Nous ciblons les indécis, ceux qui sont susceptibles de changer d’avis d’une élection à l’autre ». Pour cela, la société analyse dans quel bureau de vote les scores de la droite et de la gauche ont beaucoup bougé d’une élection à l’autre. Une fois identifié, le bureau de vote est considéré comme indécis, et donc à cibler prioritairement.

Le ciblage français n’est et ne sera jamais aussi précis que celui opéré aux États-Unis. Les données à disposition sont bien plus limitées. Rien n’est informatisé. Les registres de vote sont sur papier, et il n’y a pas de base de données informatique qui détaillent les inscrits par bureau de vote. Le seul moyen de savoir qui a voté — sans parler de la teneur du vote —, est d’aller dans chaque bureau de vote récupérer les registres.

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Réaliser ce travail est coûteux en temps et en argent. Il est possible de composer avec la contrainte temporelle. Axel Calandre, le conseiller de Nicolas Sarkozy explique avoir entamé un travail depuis 2014 pour mieux cartographier l’électorat. Mais dans le cadre d’une campagne présidentielle, c’est beaucoup plus compliqué. « Le budget d’une campagne française est plafonné à une vingtaine de millions d’euros environ en cas de deuxième tour, détaille Joël Gombin. Cela laisse 50 centimes par électeurs, dans lesquels il faut déjà compter le coût des bulletins de vote et des affiches. S’ajoute celui des meetings, des supports de communication… »

La Netscouade s’intéresse aux campagnes politiques, mais ne compte pas sur elles pour son développement. La manne financière est trop faible. L’ensemble de la campagne de Menucci a été facturé plusieurs dizaines de milliers d’euros. Pons, de Cinquante +1, le reconnaît : « Il n’y a pas assez d’argent pour vivre seulement de l’analyse des données ».

L’utilisation des données en tant que telles, ce qu’elles recouvrent en matière de respect de la confidentialité et des libertés numériques, est très encadrée en France. Mais le boom des logiciels de campagne laisse craindre un décalage entre l’appareil législatif et la réalité du terrain. Aux États-Unis, où sont hébergées les bases de données réunies avec NationBuilder, la protection de la confidentialité et des données personnelles est moindre.

La société en a conscience et assure travailler de concert avec la CNIL pour se mettre en conformité avec la législation française. Des rendez-vous ont eu lieu entre les représentants du logiciel et la commission française. Fin octobre, un séminaire organisé par la CNIL a permis d’émettre des conseils et des recommandations aux partis politiques. L’arsenal de mesure à la disposition de la CNIL est classique : plaintes, contrôles, sanctions, et amendes dans certains cas.

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L’utilisateur sait-il que lorsqu’il « aime » un statut sur la page Facebook d’Alain Juppé, il est automatiquement ajouté dans la base de son équipe de campagne ? Nicolas Sarkozy va plus loin. Son équipe de campagne utilise KnockIn, une application pour smartphone. Elle lie les personnes entrées en base à leur adresse physique. Il est donc très facile pour les volontaires de l’ex-Président de la République, de toquer aux portes (« knockin ») de ses partisans.

Dans ce cas, la récupération de données semble aller bien au-delà du cadre légal. Difficile aussi d’empêcher une campagne de travailler avec une entreprise de publicité, qui dispose elle-même de fichiers commerciaux, et de les fusionner avec sa base de données électorale.

Si Facebook devait cibler des électeurs, il le ferait plus efficacement, et probablement beaucoup plus facilement que quiconque en France. L’entreprise possède plus de données sur les citoyens français que l’Insee. Aux États-Unis, le réseau social a dû se défendre d’intervenir dans les élections et de favoriser les démocrates, dont Zuckerberg, le PDG, est plutôt sympathisant.

En France, la situation va plus loin que la simple influence des électeurs. Le directeur de Facebook France, Laurent Solly, est l’ex-directeur de campagne numérique de Nicolas Sarkozy. L’ex-président a été le premier politique à réaliser un Facebook Live. Au lancement de sa page Facebook, au moment de la campagne de 2012 (Laurent Solly n’était pas encore le directeur France de l’entreprise), Nicolas Sarkozy avait bénéficié de fonctionnalités spécifiques, inaccessibles pour quiconque ne travaillait pas avec l’entreprise californienne. Aujourd’hui encore, au siège de l’entreprise, la question est délicate. Les employés sont briefés sur le sujet, et appelés à être particulièrement vigilants pour ne pas laisser croire à du favoritisme.

L’influence réelle de Facebook sur le vote est difficile à mesurer. Pour Joël Gombin, elle est plus que relative. Facebook et les réseaux sociaux favorisent l’entre-soi. « Tout y est fait pour éviter les opinions contradictoires. Et l’on voit bien à quel point les relations sont épidermiques, surtout sur Twitter quand on est confrontés à des opinions différentes. Par contre, évidemment, on sera plus enclins à aimer la page Facebook d’un leader politique si nos amis l’ont déjà fait. » Les réseaux sociaux rendent les préférences politiques moins tabou, mais influencent peu le vote.

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Au-delà de la récupération des données, réaliser une analyse poussée est coûteux. « Les politiques ne font jamais appel à nous. Cela leur coûterait trop cher », constate Myriam Maumy Bertrand. Joël Gombin abonde : « Je suis membre de la fondation Jean-Jaurès. Les politiques sont rarement nombreux à nos colloques ». Tous les spécialistes de la data déplorent un manque de culture de la donnée en France.

La droite s’est mis aux bases de données, « mais ce n’est jamais que du mailing », critique un responsable de gauche, proche du PS, qui ajoute : « Ils sont loin d’avoir une stratégie data. À ma connaissance, Alain Juppé n’est pas en train de ratisser le territoire ». Pons explique : « La stratégie data ne se limite pas au ciblage et aux bases de données. C’est aussi évaluer des techniques de campagne efficace. On prône le porte-à-porte, car on a vu que c’était plus efficace que les lettres. Tout cela, on l’ignorait il y a dix ou quinze ans. »

Pourtant, il y a matière à améliorer des campagnes, même sans le ciblage à l’américaine. « La campagne d’Hillary Clinton aux États-Unis cible les femmes, explique Clémence Pène. Voilà un type de ciblage classique qu’on peut effectuer en France, sans acheter des bases de données secrètes. On peut faire campagne avec du ciblage géographique, aller chercher des actifs, des populations rurales, urbaines, les jeunes… »

Ce n’est pas la façon de faire de Kéliane Marténon : « Bruno Le Maire a ses idées, ses propositions. Cela ne me semble pas très sain de cibler une catégorie spéciale d’électeurs ou d’adapter notre discours selon les lieux où nous prenons la parole. » Elle reconnaît, en revanche, travailler avec un bon connaisseur de la carte électorale.

Sur des élections locales, la marge de manœuvre est bien plus importante. Cinquante + 1 revendique des résultats. « Si le candidat fait une très bonne campagne de terrain, met le budget, cible bien, ça peut faire une grosse différence. La notoriété est un des enjeux de la campagne. Si le candidat fait toutes les portes du lieu où il se présente, il peut passer du petit candidat à un candidat important ».

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Autre obstacle : la désaffection des partis politiques. En France, les volontaires sont moins mobilisables qu’aux États-Unis. « Malgré la richesse des outils, toute la difficulté, admet Matthieu Lerondeau de la Netscouade, c’est d’embarquer les responsables locaux, les former et obtenir qu’ils utilisent bien les outils. » Les partis ont du mal à répartir de manière pragmatique les militants : envisager un candidat de gauche dont la victoire semble acquise envoyer ses militants aider un candidat d’une circonscription voisine à la situation plus tendue semble très hypothétique. Clémence Pène valide : « Cela se fait à la marge, mais on ne peut pas envoyer des bus avec des gros sabots ».

En 2012, Hollande avait un avantage réel sur Nicolas Sarkozy, qui ne disposait pas alors de stratégie data. Pour 2017, la droite a tenté de se mettre au pas. Ses équipes ne pourront pas travailler avec Cinquante + 1, dont tout semble indiquer qu’elle s’associera avec Emmanuel Macron ou au candidat du PS, probablement François Hollande. S’il est candidat, le président sortant ne pourra pleinement réactiver sa base de 2012 : « Hollande n’a pas continué à solliciter sa base pendant qu’il gouvernait, regrette Clémence Pène, alors qu’elle pourrait être très utile pour la campagne à venir. »

« Pourrait ». Du conditionnel. À part la promesse assumée de Cinquante +1, aucun interlocuteur ne parvient à estimer les gains d’un ciblage électoral décisif. Tous les politiques s’engouffrent dans la brèche de la data, mais leurs conseillers refusent d’en chiffrer l’impact. « Il y a déjà eu des ruptures de technologies qui ont changé une élection, explique Thibaut Thomas. La télévision, la radio… On a tous en mémoire Charles de Gaulle bousculé en 1965, car il n’avait pas compris l’impact de la télévision lors de la première présidentielle au suffrage universel direct. À cause de ça, aujourd’hui, nos politiques s’illusionnent complètement sur le potentiel réel de tels outils. Ils pensent avoir l’outil américain pour gagner des élections. Tout a été vendu comme ça. Il y a une pensée magique ». D’ailleurs, Obama avait dénommé son logiciel de ciblage d’après l’un des plus grands magiciens de l’histoire : Houdini.

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Sébastien Bossi Croci
Asia Balluffier
Du 5 au 21 août, Rio accueille les 41e Jeux Olympiques d’été. Le moyen le plus sûr de prédire le classement des médailles, c’est avant tout de regarder le PIB des pays.

10 500 athlètes, 207 délégations, 306 épreuves, 42 disciplines. La masse des épreuves organisées pendant les Olympiades pourrait laisser croire à un suspense à tous les niveaux. Pourtant, il n’y aura aucun doute sur la hiérarchie au tableau des médailles. C’est écrit, le 21 août, jour de clôture des Jeux, les États-Unis et la Chine occuperont les deux premiers rangs. Probablement dans cet ordre. Le pays hôte, le Brésil, 22e nation en 2012, sera lui aux portes du top 10. A l’autre bout du classement, l’Afghanistan, le Gabon ou la Moldavie ont peu de chance de passer la barre des 5 médailles.

De multiples facteurs entrent en jeu dans le résultat final d’une nation au tableau des médailles. Taille de la population, proximité géographique de la ville hôte, et régimes politiques sont des critères déterminants. Une donnée se détache : le Produit Intérieur Brut (PIB). Plus on a d’argent, plus on a de temps à consacrer au sport, et plus on a les moyens de développer une pratique de haut niveau. La richesse des pays structure le tableau des médailles depuis les débuts des Jeux olympiques modernes.

Les pays les plus riches occupent le podium olympique

Lors des Jeux de 1908 – les premiers où les médailles sont comptées par délégations nationales – les États-Unis, la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France se classent dans le Top 5 du tableau des médailles. Elles sont aussi les quatre nations les plus riches en lice dans la compétition. En 1913, elles représentaient plus de 40 % de l’économie mondiale à elles seules. Seule la Suède parvient à déjouer cette loi du plus fort.

En 1908, les premières économies dominent le tableau des médailles

OrArgentBronzeTotal
Grande-Bretagne565139146
États-Unis23121247
Suède861125
France55919
Allemagne35513

La tendance se confirme avec le temps La première moitié du 20e siècle permet aux États-Unis d’asseoir leur domination économique, jusqu’à concentrer plus de 26 % du PIB mondial en 1950. Pendant cette période, les athlètes américains remportent toujours plus de titres, jusqu’a atteindre 26% des médailles d’or en 1952.

Depuis plus d’un siècle, la part du PIB mondial des États-Unis et son ratio de médailles d’or évoluent au même rythme

histogramme 2

Devenue deuxième puissance économique du monde, l’URSS détient 9,6 % du PIB mondial en 1950. Pour ses premiers Jeux, en 1952, elle se classe deuxième et remporte 14 % des médailles d’or. La Chine ne connaît pas le même succès. Malgré ses 500 millions d’habitants, elle repart sans médaille de ses premiers Jeux. Cinquante ans plus tard, en 2008, l’ancien empire, redevenue grande puissance économique, termine première nation de “ses” Jeux. Depuis trente ans, son nombre de médailles olympiques a suivi la même courbe ascendante que sa part dans le PIB mondial.

L’explosion de la part de la Chine dans le PIB mondial depuis 1984 lui a permis de monter sur la première marche olympique

À l’inverse, la part du nombre de médailles remportées par les États-Unis a décru depuis 1984, tout comme sa part dans le PIB mondial. De 36 % des médailles d’or raflées en 1984, il n’en a remportées que 15 % en 2012.

Le déclin des États-Unis dans l’économie mondiale et aux Jeux olympiques depuis 1984

Pauvres ou riches, l’évolution du ratio de médailles est liée au PIB des pays

En observant l’évolution du la part de PIB des pays et de leurs résultats aux Jeux olympiques depuis 1980, on retrouve cette relation, sans distinction de richesse.

En 1980, la Bulgarie avait emporté plus de 6 % des médailles à Moscou. À Londres en 2012, elle n’en a gagné que 0,2 %.

Depuis 1980, la Bulgarie perd en influence économique et olympique.

Dans les années 1980, la Roumanie détenait plus de 0,8 % du PIB mondial, son record. En 1984, elle remporte près de 9 % des médailles d’or en jeu. Une performance qu’elle n’a jamais pu approcher depuis.

En trente ans, la Roumanie a perdu la moitié de son poids économique et 75 % de sa part des médailles d’or.

Depuis 1980, la part de PIB mondial de la Corée du sud a été multiplié par 1,5, et son ratio de médailles olympiques par 2,5.

À l’inverse, la Corée du Sud, qui a accueilli les Jeux en 1988, a progressé dans les deux domaines.

Les athlètes italiens avaient remporté près de 5 % des médailles d’or à Atlanta. Ce ratio a progressivement diminué pour atteindre 2,7 % en 2012.

Depuis 1996, la part de PIB mondial de l’Italie a baissé de 40 % et son ratio de médailles de 45 %

Longtemps classée dans le Top 3 du tableau des médailles, comme en 1996, l’Allemagne alterne depuis dix ans entre la cinquième et la sixième place.

Depuis 1996, la part de PIB mondial de l’Allemagne a baissé de 37 % et son ratio de médailles de moitié

En 1996, l’Azerbaïdjan n’avait ramené qu’une médaille d’argent d’Atlanta. À Londres en 2012, elle en a remporté 10, dont deux en or.

Depuis 2004, la part de PIB mondial et le ratio de médailles de l’Azerbaïdjan ont tous les deux doublé.

Des exceptions qui s’expliquent par l’action politique

La France constitue une exception. Malgré une baisse de sa part dans le PIB mondial, -passée de 4,43 % en 1980 à 2,51 % en 2012- son ratio de médailles a globalement augmenté. Cette singularité peut se justifier par le niveau de dépenses publiques français. La France est le pays développé qui dépense le plus par rapport à son niveau de PIB. Entre 1980 et 2012, ces dépenses sont passées de 48 % à près de 57 %.

La France, moins riche mais plus généreuse qu’en 1980

Même constat pour le Japon, dont la part dans le PIB mondial a presque été divisée par deux. Si son ratio de médailles d’or a diminué -de 4,42 % à 2,32 %-, il est parvenu à maintenir son ratio global de médailles – de 4,65 % à 3,95 %-.Ce maintien peut s’expliquer par les dépenses à destination du sport dans le pays depuis les années 2000. Entre 2000 et 2009, les dépenses publiques concernant le sport ont augmenté trois fois plus vite que son PIB. En 2008, le Japon dépasse son record en nombre de médailles de 1984.

Au Japon, le sport ne connaît pas la crise

Des exceptions dues aux contextes culturels

La Jamaïque, machine à sprinters

Certains pays possèdent un ancrage culturel si important qu’il fausse les statistiques. C’est le cas de la Jamaïque, spécialiste du sprint en athlétisme. Système scolaire, infrastructures, climat et même régime alimentaire local contribuent à faire des Jamaïquains les meilleurs sprinters du monde.

À l’absolu opposé, l’Inde est une autre exception. Là aussi, la société indienne, bien plus que son PIB, explique ses mauvais résultats aux Jeux olympiques. Deuxième nation la plus peuplée du monde, elle n’a remporté qu’une médaille d’or olympique au cours des trente dernières années. Pourtant, l’Inde concentre aujourd’hui deux fois plus de PIB mondial qu’en 1980. Au delà du manque de soutien politique, le sport indien souffre surtout d’un manque de considération de la population. À l’inverse de leurs homologues Jamaïcains, les jeunes Indiens ne sont pas incités à devenir sportif professionnel par leur famille ou par l’État. En 2012, cette différence a permis à la Jamaïque -0,023% du PIB mondial- de faire deux fois mieux aux Jeux que le géant indien -6,2% de l’économie internationale-.

C’est heureux, l’économie ne décide donc pas de tout en matières d’olympiades. L’histoire le prouve, elle reste le meilleur moyen de gagner.

Les données source sont . Le code source du projet sera publié sur Github.


Sébastien Bossi Croci

Du 18 au 21 juillet, puis du 25 au 28, les partis républicain et démocrate investissent officiellement leurs représentants dans la course à la Maison blanche. Candidats annoncés, Hillary Clinton et Donald Trump se livrent déjà à un duel à distance depuis plusieurs mois. Avant d’aborder la dernière ligne droite de l’élection présidentielle américaine, Ijsberg a comparé leurs positions.

Sébastien Bossi Croci
Dimanche 26 juin, l’Espagne organise des élections législatives. Elles interviennent six mois après les précédentes, qui ont échoué à doter le pays d’un gouvernement. Mais face à la recomposition du paysage politique, elles devraient échouer aussi.

De quoi parle-t-on ?

Dimanche, l’Espagne vote à nouveau lors d’élections législatives. Lors des précédentes élections, aucun parti ne l’a emporté avec suffisamment d’avance pour gouverner. Et les négociations pour des coalitions n’ont pas abouti. Le roi Felipe VI n’a eu d’autre choix que de convoquer de nouvelles élections.

Quels étaient les scores lors des précédentes législatives ?

Aux élections de décembre, deux jeunes partis politiques, Podemos (gauche) et Ciudadanos (centre droit) ont mis à mal le bipartisme. Podemos a emporté 20,7 % des suffrages, et Ciudadanos 13,9 %. Le PP et le PSOE ont, à eux deux, à peine rassemblé 50% des suffrages.  Depuis la fin du régime de Franco, ils avaient systématiquement alterné au pouvoir. “Nous sommes arrivés à une situation où le bipartisme ne permet plus de comprendre la vie politique en Espagne” revendiquait déjà le chef de file de Podemos en 2013, Pablo Iglesias.

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Comment se sont passées les négociations lors des précédentes élections ?

  • Les élections générales ne donnent lieu à aucune majorité. Pour qu’un gouvernement soit investi, il faut qu’une coalition se forme.

  • Mariano Rajoy, président sortant et actuel chef de file du Parti Populaire, annonce qu’il renonce à briguer l’investiture d’un gouvernement auprès du Parlement, faute de soutiens.

    Suite à cette annonce, Pablo Iglesias présente l’offre suivante au parti socialiste : un gouvernement avec une représentation proportionnelle aux résultats obtenus lors des elections, et la vice-presidence pour Pablo Iglesias.

  • Le roi propose à Pedro Sanchez, le leader du parti socialiste, de tenter de former un gouvernement. L’échéance est fixée au 2 mai.

    Sanchez se dit prêt à dialoguer avec toutes les formations, de gauche et de droite, en vue de former un gouvernement progressiste.

  • Podemos propose un document d’une centaine de pages intitulé “Bases politiques pour un gouvernement stable” . Ce document est jugé comme irrecevable par le PSOE.

  • Pedro Sanchez (PSOE) signe un accord avec Albert Rivera (Ciudadanos) en vue de former un gouvernement de coalition. Une telle coalition possèderait 130 sièges, soit 45 de moins que la majorité absolue. Podemos déclare qu’il ne soutiendra pas une telle coalition.

  • La coalition de Pedro Sanchez et d’Albert Rivera échoue à obtenir une majorité auprès de la chambre basse du parlement espagnol. Sanchez obtient 131 voix en sa faveur, et 219 voix contre.

  • Un deuxième vote est organisé. Les résultats sont identiques au premier. C’est la première fois depuis la mort de Franco que le candidat désigné par le roi n’est pas investi.

  • Podemos organise une consultation en interne quant au pacte entre PSOE et Ciudadanos.

  • Sanchez se déclare ouvert à un gouvernement avec des représentants de Podemos et de Ciudadanos.

  • Rencontre entre Iglesias et Sanchez pour négocier une coalition.

    Ciudadanos annonce que leurs députés s’opposeront à une coalition avec Podemos. Podemos est partisan d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Au contraire de Ciudadanos pour qui l’unité de l’Espagne est fondamentale.

  • Pedro Sanchez échoue à obtenir suffisamment de votes pour investir son gouvernement.

  • Le roi Felipe VI signe un décret ordonnant la dissolution du Parlement et la tenue de nouvelles élections générales le 26 juin.

Que veulent les partis qui se présentent ?

Les deux nouveaux partis, Podemos et Ciudadanos, sont très différents. Podemos découle du mouvement des Indignés. Populiste, il base son succès sur la lutte contre l’austérité et prône le renouvellement politique. Ancré à gauche, il est mené par des figures emblématiques, qui doivent leur célébrité à leur rôle dans le mouvement des Indignés. Depuis les élections municipales de mai 2015, Podemos -dans le cadre de coalitions-, dirige Barcelone et Madrid, les deux principales villes du pays. Malgré son arrivée au pouvoir, Podemos a progressé dans l’opinion, aux dépens du PSOE, le parti socialiste. Le néo-parti confirme sa capacité à gouverner, malgré les vives critiques du PP. Il est mené par Pablo Iglesias, 37 ans, diplômé en sciences politiques, ancien membre des jeunesses communistes.

Ciudadanos est un parti centriste. Ses deux idées fortes : la sauvegarde de l’unité de l’Espagne et la lutte contre la corruption. Le parti est né en 2006 en Catalogne contre le souverainisme. Plus jeune, le leader de Ciudadanos, Albert Rivera, a participé aux partis de jeunes du PP. Il a profité des scandales de corruption et des tensions de plus en plus vives avec Barcelone pour peser sur la scène nationale.

Pourquoi il sera difficile de former une nouvelle coalition ?

https://www.youtube.com/watch?v=lVynx6SJ7N4

Comment va se passer l’élection de dimanche ?

La seule différence entre l’élection de décembre et celle de dimanche est la coalition Unidos Podemos, composée de Podemos et de Izquierda Unida, un parti de gauche anti-austérité. Grâce à cette alliance, Unidos Podemos gagne du terrain: la coalition devrait être deuxième avec 25,6% des voix, derrière le Parti Populaire mais devant le Parti socialiste.

Une coalition de gauche n’aurait toujours pas de majorité, mais pourrait être investie si les partis régionaux s’abstenaient de voter. Mais une coalition PSOE/Podemos est encore plus improbable qu’en décembre. Podemos est le parti rival du PSOE à gauche. Il base son succès sur le rejet des anciennes élites, PSOE et PP en tête. En somme, l’élection de dimanche va confirmer la crise politique de l’Espagne.

 

Sébastien Bossi Croci